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Covid-19 : L’après pandémie, une opportunité de transformation de l’Afrique

mercredi 13 mai 2020, par Dr. Paul Kananura

La deuxième note d’orientation de l’Institut Mandela (3e partie) aborde quelques défis post-Covid-19 avec l’exigence de penser les domaines de la santé et de l’économie sous l’angle de sécurité nationale.

Jamais dans l’histoire moderne, le contexte n’a été aussi favorable à un changement brutal des « règles du jeu ». Il faut profiter et saisir cette formidable opportunité pandémique pour changer des rapports de soumission de l’Afrique au monde en partenariat stratégique d’influence géopolitique nécessaire et possible. Cet esprit de puissance nous paraît infiniment préférable à la diplomatie de mendicité pour relever tous les défis sécuritaire, socio-économique, industriel et politique. Il faudra éviter des erreurs stratégiques qui viennent par le fait que les Africains sont manipulés au moment de prendre des décisions de souveraineté.

Le système politique dominant doit changer de logiciel d’absence totale d’anticipation sur les questions de souveraineté nécessitant la vision d’un Etat-stratège en lieu et place d’une dépendance dangereuse et chimérique de subordination idéologique dont l’élite africaine n’a pas su s’émanciper par défaut de pragmatisme et de courage, mais aussi peut-être en raison de dépendances intellectuelles et de conflits d’intérêts de corruption et d’exploitation des ressources naturelles.

L’épidémie de Covid-19 n’est pas seulement une catastrophe pour la santé publique et l’économie africaine fortement dépendante du secteur informel, elle met en défis la gouvernance et les interactions sociales qui produisent et aggravent une crise systémique. Outre la crise sanitaire et économique, il existe un autre danger, celui de la faim des pauvres et de la crise alimentaire (30% des populations affectées de malnutrition), une bombe sociale qui risque d’imploser les pays faibles provoquant ainsi les crises politique et sécuritaire.

La capacité de résilience créera de nouvelles opportunités, tandis que la fragilité ouvrira des horizons dangereux. Le défi majeur pour les dirigeants africains est de gérer les bouleversements de la crise systémique tout en pensant à l’avenir : réduire les vulnérabilités aux chocs exogènes pour assurer le développement vivable. Cela exige la transparence de la gouvernance des ressources naturelles et le glissement vers la gouvernance inclusive pour renouveler le contrat social national. Il faudra penser la Santé et l’Economie en termes de sécurité nationale :

1. Créer une Agence de Sécurité Sanitaire rattachée directement au Conseil National de la Défense pour coordonner avec autorité une riposte aux épidémies et veiller à la sécurité sanitaire avec le contrôle des vaccins et médicaments

2. Favoriser la création des PME nationales avec une politique d’accès prioritaires aux marchés publics pour faire émerger les capitaines d’industrie. Toute entreprise étrangère aura l’obligation de travailler avec une entreprise nationale comme on le fait en Chine

3. Soutenir et moderniser le secteur agricole avec un fonds de crédit à taux zéro pour assurer la sécurité alimentaire

4. Faire de la médecine traditionnelle africaine un outil d’influence géopolitique avec des recherches fondamentales et des industries pharmacologiques. La mutualisation et la panafricanisation de l’énorme patrimoine culturel et traditionnel de pharmacopée africaine sont indispensables pour affirmer notre volonté de puissance dans les faits et ne pas être toujours assujetis aux logiques asymétriques.

L’Afrique est riche, pourquoi les Africains sont pauvres dans tous les domaines ? C’est à cause de l’endettement chronique et de la mauvaise gouvernance de ressources naturelles. Voilà les vrais systèmes à casser ! Nous ne sommes plus dans le temps des relations machiavéliques de l’auteur du Prince, la politique de l’apparence et l’expression du pouvoir seront mesurées par la capacité des réponses médicales et politiques au Covid-19. L’Etat doit tout faire pour que la méfiance de l’opinion publique ne se transforme pas en défiance populaire déstabilisatrice. Avec la fermeture des frontières, on a vu que l’espace qui compte est national. Cela remet à jour le patriotisme et le nationalisme qui étaient dissouts dans le mondialisme. Dans cette optique, l’avenir ne peut être perçu, par les dirigeants haut placés, que d’une façon géopolitique de protection des intérêts nationaux.

Tous les virus ont une variété saisonnière : le Covid-19 va terminer bientôt. Le pire virus qui menace l’Afrique est celui qui habite une élite soumise aux intérêts étrangers et qui rêve de les soumettre perpétuellement aux peuples. « La dépendance sanitaire reste un problème épineux et le coût des évacuations sanitaires des élites pose un cas d’injustice sociale et d’irrationalité économique, dans la mesure où nombre de ces services sont réalisables en Afrique à moindres frais » (Appel des intellectuels africains). Si cette crise pouvait nous inciter à prendre conscience de l’urgence vitale de construire un système sanitaire capable de soigner les populations y compris les élites qui meurent loin de leurs ancêtres sans pouvoir bénéficier de la magie de réincarnation. Le Général Mac Arthur expliquait que « Les Batailles perdues se résument en deux mots : trop tard ». L’élite n’aura plus le temps de regretter demain les décisions d’aujourd’hui.

Dr. Paul Kananura
Président de l’Institut Mandela